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Les « stages kebab », reflets des difficultés dès la 3ᵉ pour les jeunes des quartiers populaires

Quand Maric (il n’a pas souhaité donner son nom) était petit, il rêvait de devenir avocat. Alors, en classe de 3e, pour son stage d’observation, ce jeune homme habitant à Grigny (Essonne) envoie une poignée de CV préparés en classe à des cabinets d’avocats à Paris. « On m’a dit que ce n’était pas possible parce que j’étais trop jeune, ou alors qu’ils ne prenaient pas de stagiaires », se souvient l’adolescent, qui a 16 ans aujourd’hui. Il fait finalement son stage dans un supermarché tenu par son oncle, « par manque de choix ». Un an plus tard, son petit frère a fait le même stage. « Les gens autour de moi ne tentent pas trop les cabinets d’avocats, les banques ou ce genre de choses à Paris, reconnaît-il. Ils se disent que ça ne sert à rien. On va les envoyer balader. »
Dans les quartiers populaires, on les appelle les « stages kebab ». Ces stages par défaut que de nombreux jeunes de banlieue vont faire dans un kebab, une épicerie, un centre social, une pharmacie du quartier, souvent tenus par un proche, faute d’avoir trouvé une expérience plus enrichissante dans la grande ville du coin. Se tenant sur cinq jours, généralement entre décembre et février en fonction des établissements, le stage d’observation en milieu professionnel, obligatoire en classe de 3e, devient ainsi le reflet des discriminations vécues par les jeunes issus de familles défavorisées, souvent sans réseau professionnel, et illustre la difficulté, dès le plus jeune âge, de s’extraire du quartier.
Dans la classe de François Lecointe, au sein du collège Fernand-Léger, à Saint-Martin-d’Hères (Isère), 10 % des élèves ont trouvé leur stage à la dernière minute, quelques jours seulement avant l’échéance de mi-janvier fixée par l’établissement. « Ce sont toujours ceux qui viennent de milieux défavorisés, qui n’ont pas de réseau familial, qui se retrouvent presque sans rien. Il y a souvent une grosse désillusion pour ces jeunes qui se retrouvent avec des stages “forcés” », peste l’enseignant en histoire-géographie.
Pour beaucoup aussi, le fait de prendre les transports et de sortir du quartier paraît « insurmontable », relate Marie-Maxime Hallet, enseignante en mathématiques au collège Michel-Bégon à Blois, établissement classé en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP +) : « Et les jeunes n’osent pas non plus démarcher eux-mêmes les entreprises. » Plusieurs de ses élèves, malgré des dizaines de lettres de motivation envoyées, se sont retrouvés sur le carreau. Pour elle, certains élèves payent aussi leur « patronyme ». Une première expérience du monde du travail particulièrement « violente », estime la quadragénaire.
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