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En Inde, des cabines à selfies avec Narendra Modi

LETTRE DE NEW DELHI
Les trains indiens sont souvent en retard. Pour patienter, les voyageurs pourront bientôt se prendre en photo avec Narendra Modi. Le premier ministre indien n’est pas doté du don d’ubiquité, mais dans une centaine de gares du pays vont être installées des cabines à selfies, temporaires ou permanentes, avec une reproduction de lui grandeur nature en 3D.
L’information serait passée sous les radars si un fonctionnaire retraité des chemins de fer, Ajay Bose, n’avait pas exercé son droit à l’information auprès de l’administration du même nom, qui a reconnu l’opération et détaillé son coût. Chaque installation permanente représente une dépense de 625 000 roupies (6 800 euros) contre 125 000 roupies pour les temporaires (1 360 euros). Des « points à selfies » sont déjà en place dans plusieurs musées de la capitale et même dans des parcs, tandis que des circulaires ont été envoyées aux universités et aux forces armées pour qu’elles fassent de même.
L’initiative paraît presque banale tant le culte de la personnalité écrase l’Inde depuis l’arrivée au pouvoir du nationaliste hindou, il y a bientôt dix ans. Narendra Modi était déjà omniprésent dans les médias – majoritairement aux mains des hommes d’affaires proches du pouvoir –, dans les rues et dans les aéroports, où sont déployés des panneaux géants à son effigie. Même les sacs de rations alimentaires distribués à 800 millions de pauvres arborent sa photo, tout comme les certificats vaccinaux. Chaque jour, le gouvernement dépense beaucoup d’argent dans l’achat d’espaces publicitaires à la gloire du premier ministre.
L’homme fort de l’Inde a même fait baptiser à son nom de son vivant le stade de cricket de la ville d’Ahmedabad, le plus grand du monde, qui accueille des compétitions sportives mais aussi des meetings politiques. Modi aime y parader quand il reçoit dans le Gujarat, son ancien fief.
Les dirigeants du Congrès, le principal parti d’opposition, se sont émus de cette campagne aux frais du contribuable qui intervient à quelques semaines des élections générales prévues au printemps. « L’autopromotion éhontée du premier ministre et du parti au pouvoir aux dépens de l’honnête contribuable est un détournement flagrant des ressources gouvernementales qui, dans toute autre démocratie, serait condamné et conduirait à une révolte », s’est indigné Shashi Tharoor, député du Congrès. « En Inde, nous sommes malheureusement habitués à céder aux caprices et aux fantaisies de nos dirigeants », a-t-il aussi rappelé. Du temps d’Indira Gandhi, première ministre de 1966 à 1977, puis de 1980 jusqu’à son assassinat en 1984, le pays avait déjà versé dans le culte de la personnalité, mais jamais à ce point.
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